Qu'est-ce que c'est en fait ? C'est la dernière cartouche de l'Etat (ou de la CNAM, comme vous voulez) contre l'abolition du monopole. Mais c'est en réalité un pétard mouillé qui ne déroutera que quelques DRH mal informé(e)s.
Ceux qui ont lu, dans le numéro de juin 2004 de "Réponse à tout", les trois pages de l'article "Assurance maladie : la Sécu n'a plus le monopole !", auront remarqué en bas de la page 16 l'encart intitulé "ce qu'en dit la CNAM". Je cite :
"Il n'est nullement question au niveau des instances européennes de permettre à des entreprises privées de couvrir les risques maladie et maternité en laissant le choix aux ressortissants européens entre régimes publics de Sécurité sociale et régimes privés d'assurances.
D'ailleurs, cette volonté a clairement été affirmée avec l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 février 1993 Poucet et Pistre. Cet arrêt a en effet précisé que l'affiliation obligatoire à une caisse d'assurance sociale plutôt qu'à un assureur privé n'est pas contraire au principe de libre concurrence."
Ayant lu cela, nombreux sont ceux qui auront abandonné l'article en pensant : "si la CNAM dit que ce n'est pas possible, inutile d'insister". Ils auront été bien mal avisés (sauf s'ils croient que l'Etat veut leur bien, auquel cas ils sont indécrottables).
Et de fait, si vous faites une recherche sur Google avec les mots-clés "Poucet et Pistre" vous trouverez de nombreuses références qui tendent à vous faire croire que le monopole de la Sécu est toujours en vigueur, justifié par la mission de "service public" qu'elle exerce et par la mise en oeuvre de la "solidarité nationale", etc.
Cela pourrait être vrai (en droit) si la Sécu était un régime qualifié de "légal" au sens européen, c'est à dire financé par l'impôt et ouvert à tous les citoyens (égalité devant la loi). Ce qui n'est pas le cas en France (bien que les organismes français ne se privent pas de parler abusivement de "régime légal de sécurité sociale").
Il suffit de dresser une petite chronologie des faits pour comprendre ce qui s'est passé, et pourquoi on nous ressort cette vieille histoire.
Premier épisode :
Messieurs Christian Poucet et Daniel Pistre, un peu trop en avance sur leur temps, ont prétendu, au début des années 90, ne plus payer leurs cotisations de sécurité sociale, estimant qu'ils devraient pouvoir s'adresser librement à une compagnie d'assurance privée européenne plutôt qu'à des organismes en position dominante, et donc en contradiction avec les règles de libre concurrence posées par le traité CEE.
Deuxième épisode :
Dans un Arrêt du 17 février 1993, appelé depuis "Arrêt Poucet et Pistre", la Cour de justice des communautés européennes leur a donné tort.
Troisième épisode :
En 1993, le Marché unique entre en vigueur. Les directives qui abrogent les monopoles d'assurances dans l'UE, et notamment la directive 92/49 du 18 juin 1992 qui nous permet aujourd'hui de quitter la Sécu, deviennent applicables au 1er juillet 1994. C'est ce troisième épisode que la CNAM voudrait passer sous silence.
Une cour de justice, fût-elle européenne, n'anticipe pas le droit. Elle applique le dispositif en vigueur au jour du prononcé du jugement, ce qui explique l'Arrêt Poucet et Pistre.
Aujourd'hui les nouvelles directives s'appliquent, et invoquer "Poucet et Pistre" pour affirmer le "monopole" de la SS est une faribole. Autant se référer par exemple au traité de Vienne (de 1815) pour affirmer que la République de Pologne n'existe pas en droit. On peut démontrer à peu près n'importe quoi en invoquant une loi inopérante ou dépassée (je vous parlerai un jour, pour rire un peu, de la loi du 26 Brumaire an IX - une loi toujours en vigueur que j'enfreins tous les jours sans exception !).
Après la directive 92/49, une nouvelle jurisprudence s'est mise en place. Par exemple, dans l'affaire C-206/98 ("Manquement d'État à la Directive 92/49/CEE") la Belgique a été condamnée, alors que l'affaire se plaçait dans le cadre, pourtant favorable pour elle, car a priori exclu de la directive 92/49, d'un régime légal de sécurité sociale. Contre l'attente de la Belgique, la Cour de Luxembourg a estimé que :
"la directive 92/49 est applicable aux assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale pratiquées par des entreprises d'assurances à leurs propres risques".
En Allemagne on cite un chiffre de 12% de la population qui aurait quitté la Sécu allemande. En France certains indépendants, certains chefs d'entreprise, sont déjà sortis de la SS pour aller vers "des entreprises d'assurances qui assurent à leurs propres risques".
Exception culturelle oblige, nous autres, salariés français, commençons tout juste à réaliser les bénéfices que nous trouverions à quitter la SS. Les cartouches à blanc de la CNAM ne devraient effrayer personne. Ressortir cet arrêt "Poucet et Pistre" ressemble à la dernière gesticulation d'un ex-monopole qui ne veut pas disparaître.
Peut-être faudra-t-il penser un jour à élever une statue à Christian Poucet et Daniel Pistre, ces deux précurseurs ! Et bien sûr à Claude Reichman, pour son action opiniâtre, et pour avoir informé le plus grand nombre de personnes, par la magie d'Internet, de cette nouvelle liberté qui nous attend !
4 commentaires:
bonjour laure, je vous souhaite bon courage pour vos demarches , ,je vous invite a visiter mon blog :
http://blog.aufeminin.com/blog/see_27218_1/poucet-christian-cdca-cdcae.
alexandra
p.s:j'ai mis un extrait de votre articles sur poucet et pistre sur mon blog.
Merci Alexandra !
Une pensée pour cet homme courageux que fut Christian Poucet (que je n'ai pas connu).
Bonjour Laure,
Le Blog change pour devenir le site Christian POUCET CDCA-CDCAE
Voici le lien:
http://www.sitego.fr/christianpoucetcdcacdcae/
Depuis des années, le nom de Christian Poucet, est indissociable du combat mouvementé de milliers d'Artisans,Commerçants et travailleurs indépendants vers une justice égale pour tous.
Le site Christian POUCET CDCA-CDCAE est un site personnel écrit en pleine liberté !
Cordialement
Alexandra POUCET
Merci Alexandra, je vais le mettre en lien.
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